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Judaïsmes et Questions de Société
27 novembre 2012

Création d’écoles pluralistes (laïques et religieuses) dans l’Education publique en Israël

Enfantssetenantparlesbras

Il existe en Israël deux systèmes généraux d’éducation pour les écoles du primaire et du secondaire.Le premier est public qu’il soit d’orientation laïque (mamlachti) ou religieuse (mamlachti dati). Le deuxième  réseau d’éducation est privé ou indépendant même si ses écoles peuvent, dans des proportions diverses, être en contrat avec l’Etat et subventionnées par celui-ci. Il est composé en majorité d’écoles ultra-orthodoxes mais aussi d’écoles privées variées, religieuses ou non religieuses. Les écoles religieuses peuvent être orthodoxes ou affiliées à des mouvements juifs non orthodoxes (conservative, réformés). Les écoles non religieuses sont principalement basées sur des méthodes d’éducation alternatives ou spécialisées dans un domaine (artistique ou sportif). Le système d’éducation indépendant intègre également les écoles des citoyens arabes israéliens.

Quel que soit le système d’éducation, dans ses différentes composantes, il y a une obligation pour toutes les écoles d’enseigner les matières de base que sont l’anglais, les mathématiques, les sciences et l’histoire. On constate cependant que ce contrat de base n’est pas bien ou peu respecté dans les écoles ultra-orthodoxes[1]. Ce déficit de connaissances ne favorise pas l’entrée des membres de ces communautés dans le monde du travail alors même que le nombre d’élèves de ce milieu est en constante augmentation[2]. La non application ou les exemptions de cet accord[3], institué déjà au temps de David Ben Gourion, qui unit l’Etat, par l’octroi de subventions, avec le système indépendant scolaire du monde ultra orthodoxe, fragilise, une fois de plus, le contrat social d’un pays où se côtoient des Juifs laïques, traditionnalistes, orthodoxes, non orthodoxes, ultra-orthodoxes, athés, etc. Dans ces écoles ultra-orthodoxes, l’accent est mis, en particulier, pour les garçons sur l’étude du Talmud mais sans connexion ou regroupement avec des matières de connaissance générale. Dans les écoles publiques religieuses, l’emphase porte aussi sur les matières juives, de façon plus diversifiée, avec par exemple, l’enseignement de l’histoire juive et le niveau d’instruction général est égal à celui des écoles publiques et laïques[4].

Il reste qu’il y a une dichotomie dans l’enseignement entre le monde religieux et le monde laïque et que l’écart se creuse tant dans l’apprentissage de certaines matières que du point de vue humain et social. Le rabbin orthodoxe moderne, Michaël Melchior, à l’origine de l’initiative de la loi approuvée en février 2012 à la Knesset (assemblée nationale) pour la création d’écoles publiques et pluralistes (laïques et religieuses), en souligne plusieurs aspects dans l’article ci-dessous dont nous publions une large traduction[5].

Il relève, de la part du monde laïque, l’abandon de l’apprentissage des matières juives au monde religieux qui, par ailleurs, deviendrait de plus en plus rigoriste ou étriqué dans sa pensée. En conséquence de quoi – cruel paradoxe – un élève israélien peut finir toute sa scolarité jusqu’au baccalauréat sans connaitre grand-chose du judaïsme ! Il aura, en effet, étudié la Bible ou quelques passages, sous l’aspect historique, linguistique ou poétique mais n’aura eu que peu l’occasion d’étudier ses nombreux commentaires déployés au cours des siècles ou presque pas l’opportunité d’être initié au Talmud ou à d’autres aspects du rituel juif.

A l’inverse, le monde religieux laissera au monde laïque la préoccupation de valeurs importantes comme «l’humanisme, la responsabilité sociale, la justice sociale, le lien aux non-juifs (…) l’environnement (…) »[6]. Valeurs que le judaïsme, bien évidemment, incarne aussi et sur lesquelles il apporte, dans sa diversité, un certain nombre d’enseignements.

Cette dichotomie et double abandon de la connaissance juive d’un côté, négligence des préoccupations d’éthique de l’autre, fonde une ligne de fracture dans l’éducation et donc dans la société israélienne. Elle créé des ghettos cognitifs et sociaux qui suscitent notamment l’intolérance ou des divisions préjudiciables au devenir d’une nation.

Or le vivre ensemble entre Juifs en Israël[7] est l’un des défis majeurs de cet Etat et par conséquence de la diaspora juive, comme nous le soulignons souvent au travers de ce site de ressources dont l’une des raisons d’être est d’offrir les clefs de compréhension du monde juif pour un mieux vivre ensemble.

Sonia Sarah Lipsyc

Pour une notice biographique sur le rabbin Melchior : cliquez ici


[1] Voir sur ce site, Yaël Soussan avec la collaboration de Sonia Sarah Lipsyc, «Education et monde ultra orthodoxe», 29.06.2012, Judaismes et Questions de Société. 

[2] «  L’Etat hébreu compte environ 2 millions d’élèves sur l’ensemble du territoire. (…) le secteur « arabe » (28% des élèves de primaire) et le secteur « haredi » ultra-orthodoxe (20% des élèves du primaire). Ces deux derniers secteurs sont en forte hausse depuis une dizaine d’années. Selon le centre Taub (Centre de recherche pour les Etudes sociales en Israël ndr), le nombre d’élèves dans les écoles « haredi » a augmenté de 57% entre 2000 et 2010 et celui des élèves des écoles arabes de 37% sur la même période. Selon Dan Ben-David (professeur de sciences économiques et directeur du Centre de recherche Taub, ndr), ces écoles pourraient drainer d’ici 2040, 78% des élèves de primaire israéliens. », Caroline Salvoch, « Quel avenir pour l’éducation en Israël ? », 24.02.2012, Middleeast2.0

[3] Voir Lior Dattel, « Only 40% of ultra-Orthodox high schools in Israel teach English and math»Haaretz, 15.12.2011.

[4] Relevons toutefois que le système éducatif en Israël accuse  une « baisse globale du niveau scolaire, des professeurs sous-payés, et une fuite des cerveaux (…) Selon Manuel Trajtenberg, le directeur du Comité de planification et du budget du Conseil pour les études supérieures en Israël, le pays fait face à une des plus grandes fuites des « cerveaux » des pays développés. En 2007, 25% des chercheurs israéliens résidaient aux Etats-Unis  tout comme 28,7% des économistes israéliens ou encore 33% des chercheurs en informatique et nouvelles technologies… », Ibidem note 2.

[5]Judy Lash Balint, “An education revolution comes to Israel”, 10.04.2012, Jewish Journal. 

(6] Ibidem

[7] Il va sans dire aussi que le vivre ensemble entre Juifs et non Juifs, (principalement arabes chrétiens et musulmans en Israël), est l’autre versant de ce vivre ensemble.

 

Melchior2(Rabbin Michaël Melchior)

« Une révolution dans l’éducation arrive en Israël », Judy Lash Balint, 10 avril 2012, Jewish Journal

Un nouveau système scolaire qui encourage les élèves religieux et laïcs à étudier ensemble a été approuvé par la Knesset (Parlement israélien ndr) en Février (2012 ndr).

Une révolution tranquille se déroule dans le système éducatif israélien.

Lorsque la prochaine année scolaire débutera en septembre (2012), un troisième système éducatif  (et public ndr), approuvé par l’Etat, sera créé aux côtés des deux autres systèmes publics existants depuis la fondation de l’État  que sont les écoles publiques laïques (mamlachti) et publiques religieuses (mamlachti dati).

Le Rabbin Michael Melchior, fondateur de « Meitarim », le réseau pour une éducation juive et démocratique, rappelle que la Knesset a approuvé en février la mise en œuvre d’un système d’éducation public et pluraliste visant à encourager les étudiants de milieux religieux et laïcs à étudier ensemble au sein d’un programme basé sur les valeurs juives, la tolérance, le peuple juif et l’humanisme.

Ce nouveau système scolaire, nouvellement approuvé, qui sera connu sous le nom de mamlachti meshalev (public et pluraliste), représente l’aboutissement d’années d’efforts de la part du réseau éducatif « Meitarim » et  d’un groupe de travail dirigé par le rabbin Melchior, incluant également des dirigeants des écoles indépendantes (privées), « Tali » et « Keshet »[1].

Le rabbin Melchior avait déjà présenté, une première fois,  il y a plus de douze ans son projet à la Knesset, en créant la première école de « Meitarim », en 1999, à Modi’in, réseau qui comporte à présent plus de 50 écoles avec 5 000 élèves à travers le pays.

Grâce à l’approbation du Parlement, le gouvernement israélien s’est engagé à subventionner la transition de 30 écoles publiques existantes, religieuses ou laïques, au système d’éducation pluraliste, à compter de la rentrée scolaire de septembre prochain. Pour l’année scolaire 2013, le rabbin Melchior prévoit d’attirer 60 écoles supplémentaires au sein de ce nouveau système scolaire.

« Nous pourrions facilement devenir le chef de file du système d’enseignement dans un avenir proche », précise Melchior. Selon la nouvelle loi, toute école publique peut devenir une école pluraliste, et rejoindre ainsi le nouveau système d’éducation, dans la mesure où au moins 70% des parents et 50% des enseignants sont d’accord.

Le rabbin Melchior, qui a servi à la Knesset entre 1999 et 2009 en tant que vice-ministre de l’Education (2005) et président du Comité de l’éducation de la Knesset (2005-2009), affirme à au média JNS que l’état actuel du système d’éducation israélien est « profondément tragique » et a servi à renforcer les divisions au sein de la société israélienne. « Nombre d’Israéliens laïcs ont grandi sans comprendre qu’ils font partie du Judaïsme, que ce dernier est également leur héritage et pensent plutôt que le Judaïsme relève seulement de la religion », affirme Melchior. « Ainsi, vous pouvez être diplômé de l’Université Hébraïque et connaître moins de choses du Judaïsme qu’un élève d’un jardin d’enfants d’une école réformée de Cincinnati ».

Le rabbin Melchior poursuit, « ce qui se produit dans le secteur religieux est un Judaïsme qui devient de plus en plus étroit, confiné à la sphère rituelle, une interprétation limitée de la Torah. De nombreux sujets d’intérêts comme l’humanisme, la responsabilité sociale, la justice sociale, le lien aux non-Juifs, aux Juifs laïcs, l’environnement, ou le sionisme, sont absents parce que ces idées ont été reléguées à une partie seulement de la population[2]. Nous avons commencé à mettre en place un nouveau courant de pensée, dans l’espace entre ces deux mondes, (religieux et laïcs ndr). » (…).

En 1970, le père du rabbin Melchior, le rabbin Marcus Melchior, avait été invité à faire son « alya » (sa montée en Israël)[3] du Danemark afin d’introduire les études juives en tant que sujet principal dans le système scolaire laïc. « Les partis religieux avaient alors mis leur véto, s’élevant contre cette initiative car ils voulaient avoir le monopole en la matière. Ce genre d’initiative ne vient jamais de l’intérieur ou naturellement » déplore Melchior.

À présent, le rabbin Melchior estime que de nombreux jeunes Israéliens sont à la recherche d’un engagement plus significatif à l’égard du Judaïsme, mais pas nécessairement par les moyens traditionnels, et le nouveau système scolaire pluraliste leur offrirait cette opportunité.

Ce nouveau courant pluraliste a recueilli le soutien d’autres dirigeants juifs engagés. Ainsi (…), le chroniqueur et ancien chef de file du Congrès juif mondial, Isi Leibler, écrit : « Le système d’éducation actuel contribue à institutionnaliser les divisions entre les jeunes dans le milieu scolaire, les isolant dans des ghettos qui engendrent invariablement l’intolérance. (…) »

Sur le plan pratique, « Meitarim » continue à soutenir les écoles existantes au sein de son réseau (privé ndr) éducatif,  œuvre  à la création de nouvelles écoles qui pourront par la suite postuler pour devenir officiellement des écoles publiques pluralistes ; « Meitarim » soutiendra aussi le gouvernement en proposant une formation aux enseignants ainsi qu’en participant à l’élaboration des programmes.

Les bailleurs de fonds du réseau éducatif « Meitarim » incluent aux Etats-Unis les philanthropes Andréa et Charles Bronfman, The Crown Fmaily Fund, The  Henry et Edith Everett Foundation ainsi que la Fondation Schusterman.

Traduction de Yaël Soussan avec la collaboration de Sonia Sarah Lipsyc

Source : Judy Lash Balint, “An education revolution comes to Israel”, 10.04.2012,ewish Journal

[1] « Tali » est le système d’éducation privé du Mouvement juif conservative ou massorti, l’un des quatre courants non orthodoxes du judaïsme. « Keshet » est un réseau qui regroupe des écoles pluralistes du jardin d’enfants au baccalauréat.

[2] Parce que l’on a considéré que la responsabilité de ces idées n’incombait qu’à une partie de la population en l’occurrence laïque.

[3] Montée : terme désignant l’immigration d’un Juif  en Israël 

 

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