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Judaïsmes et Questions de Société
17 novembre 2012

Le désir de vivre ensemble en Israël d’un Juif hassidique, Shmuel Pappenheim, et d’un leader charismatique laïque Yair Lapid

Le vivre ensemble notamment entre religieux et laïques ainsi qu’entre les différents courants et sensibilités du monde juif, est l’une des préoccupations de ce site que vous êtes de plus en plus nombreux à suivre.

De part et d’autre en Israël, il y a des personnes qui cherchent à établir un dialogue voir des ponts entre ces différents mondes qui se côtoient sans se fréquenter et parfois même s’affrontent.

En octobre 2012, au lendemain de la fête de Kippour, Dov Lipman a publié cet article «Yair Lapid and an anti-Zionist Hassid (Shmuel Pappenheim ndr) : The lesson I learned in 5772 » dans lequel il parle de deux personnalités israéliennes apparemment éloignées l’une de l’autre mais qui toutes deux œuvrent à l’intégration des divers mondes de la société israélienne.

Nous mettons ci-dessous en ligne, avec quelques notes de références, une traduction partielle de son article précédée d’une présentation de l’auteur de l’article ainsi que des deux personnalités Yair Lapid et Shmuel Pappenheim dont il parle.

Yair_Lapid_1(Yaïr Lapid)

L’auteur Dov Lipman, est orthodoxe, rabbin, écrivain et éducateur engagé. Natif des Etats-Unis, il vit à Beth Shemesh, non loin de Jérusalem, depuis 2004. Il a surtout commencé à se faire connaitre du public israélien après que des « ultra orthodoxes » aient agressé, dans sa ville, une fillette religieuse de huit ans, alors qu’elle était sur le chemin de l’école, parce qu’ils estimaient que sa tenue vestimentaire, n’était pas suffisamment « pudique »[1]. Depuis cet affrontement, Lipman dénonce à plusieurs occasions l’extrémisme de certains groupes ultra-orthodoxes et œuvre, en s’appuyant sur les sources de la tradition juive, au rapprochement des différentes fractions de la société israélienne. Sa préoccupation consiste à combler le profond fossé politique et social qui règne entre les Juifs religieux et laïques en Israël. Il s’était joint dans un premier temps au parti Am Shalem créé par le rabbin Haim Amsellem qu’il quitta cependant en août dernier[2] avant d’avoir rejoint récemment, mais après la rédaction de cet article, le parti nouvellement créé par Yaïr Lapid. Ce dernier est le fils du journaliste et politicien, Tommy Joseph Lapid, connu pour ses positions laïques et anti orthodoxes. Yair Lapid est un auteur et journaliste célèbre. Il a travaillé notamment pour la chaine 2 de la télévision israélienne en tant que présentateur de nouvelles Oulpan Shishi, mais aussi pour les quotidien Maariv (1988) et Yediot Aharonot (1991). En 2012, il entre en politique et créé le parti Yesh Atid  (littéralement : « il y a un futur »). Il prône le dialogue entre les Juifs laïques et le monde « haredi » (ultra-orthodoxe) à qui il s’adresse régulièrement[3]. Tout en étant en faveur d’une séparation stricte entre l’Etat et la religion, il agit pour l’entrée progressive et l’acceptation du monde « haredi» dans le monde du travail et l’armée[4].

Shmuel_Pappenheim3(Shmuel Pappenheim)

Shmuel Pappenheim est rabbin et membre de la secte hassidique « Toldot Aharon » qui refuse de reconnaitre l’Etat d’Israël et dont il a été l’un des porte-paroles durant des années. Bien qu’il ne soit pas sioniste, il déclare toutefois être favorable au fait que les ultra-orthodoxes servent dans l’armée et s’acquittent de leur obligation nationale. Conscient de l’état de paupérisation des communautés ultra-orthodoxes et des charges qu’ils font peser sur l’ensemble de la société israélienne, il a décidé de suivre une formation en sciences sociales et de travailler au sein de l’organisation communautaire et caritative l’American Jewish Joint Distribution Committee (JOINT)  pour aider d’autres « haredim » à se former et à travailler.Il a essuyé les foudres de sa communauté car il transgressait là plusieurs « tabous » de ce groupe hassidique… Prendre l’initiative de proposer à d’autres membres de concilier l’étude de la Torah et du travail[5], de ne pas faire peser sur les femmes ou des associations de bienfaisance la responsabilité de pourvoir aux besoins de la famille, accepter de s’intégrer dans la société israélienne, etc…Mais a tout de même soutenu par sa famille et d’autres membres de sa communauté[6].

C’est à partir d’initiatives de personnes dans leur propre milieu et de leur désir de dialogue même par personne interposée que se construira, à nos yeux, l’Israël de demain. Un Etat où ses différentes composantes devront apprendre non point seulement à cohabiter mais à vivre ensemble.

Sonia Sarah Lipsyc

 Dov_Lipman(Rabbin Dov Lipman)

« Yair Lapid et un anti-sioniste hassidique: ce que j’ai appris en 5772 »,  Dov Lipman, TimesofIsraël, Octobre 2012.

Alors que la fête de Yom Kippur clôt officiellement l’année 5772, et que 5773 entre en scène, je médite encore la leçon la plus importante que j’ai apprise l’année passée. Je n’ai aucun doute que le message le plus significatif que je garde présent à l’esprit en cette année 5773, c’est de ne pas juger les êtres sur l’apparence.

En 5772, j’ai été témoin d’actes antireligieux, méprisables, commis pourtant par des individus en tenue ultra-orthodoxe[7]. J’ai été amené d’un autre côté à rencontrer nombre de personnes dont l’apparence plutôt neutre, dissimulait une grande spiritualité et un amour du judaïsme. Il m’a été aussi très enrichissant de connaître des centaines de juifs ultra-orthodoxes, qui, Juifs comme moi, ne désirent rien de plus que de vivre leur foi religieuse et faire partie de la société israélienne.

En 5772, je me suis lié d’amitié avec un homme appelé Shmuel Pappenheim. Il est membre de de la secte hassidique « Toldot Aharon » – vêtu du manteau gris ou rayé doré – que j’ai toujours associé à un esprit étroit et loin des préoccupations du peuple juif. Bien que Shmuel soit anti-sioniste et que je ne partage pas du tout son point de vue, il n’est pas habité par la haine. Il aime le peuple juif dans son ensemble, souhaite que les ultra-orthodoxes aillent à l’armée, spécialement ceux qui, de toute façon, n’étudient pas jour et nuit.

Durant l’année 5772, j’ai développé une amitié avec Yair Lapid. J’avais toujours pensé que Lapid était un non-croyant, anti-ultra orthodoxe (« haredi »), voire un antireligieux. Puis, je l’ai écouté, pas seulement une ou deux fois, mais à de nombreuses occasions. J’ai eu aussi la chance de discuter avec lui en privé. Suite à ces rencontres, toutes mes idées préconçues, mes jugements sont tombés; et j’ai appris à connaître un être spirituel, croyant en Dieu, amoureux de la terre d’Israël. Il est un leader avec une vision large, une détermination à remettre tant son pays que sa population sur la bonne voie, et que j’ai appris à respecter et à admirer.

Je suis sûr que de nombreux lecteurs ne sont pas convaincus – tant en ce qui concerne Pappenheim que Lapid. Voici une citation de Pappenheim, du 30 décembre 2011, reportée par Yaïr Ettinger dans le journal Haaretz: « Cette semaine, j’ai parlé devant un groupe de scouts à Jérusalem, au côté d’une représentante de « Yisrael Hofshit» (« Soit libre en Israël » une organisation qui œuvre à l’avancement de la liberté de religion et des valeurs démocratiques) qui dénonçait l’extrémisme ultra-orthodoxe. Je lui ai dit qu’elle ne comprenait pas la situation. Les ultra-orthodoxes d’Israël commencent à réaliser qu’ils doivent prendre leur destin en main. Il y a maintenant des milliers d’ultra-orthodoxes dans l’armée, dans différentes institutions et dans des professions libérales. Est-ce qu’ils nous signifient que nous vivons une guerre religieuse? Au contraire, le public religieux avance, progresse vers un meilleur avenir et les rabbins qui tentent d’arrêter le processus, tournent en rond, tels des poulets sans tête ».

Cela n’est qu’un exemple sur cent. Les avis exprimés par Pappenheim, ne concordent pas avec sa façon de se vêtir, et l’opinion que l’on pourrait en avoir. Il met aussi ses paroles en pratique. Il dirige une agence de recherche d’emploi (pour le monde ultra-orthodoxe ndr) et conduit bénévolement une ambulance pour MDA (« Maguen David Adom », la croix rouge israélienne ici nommée « l’étoile de David rouge »). (…).

Je sais que nombre de personnes fondent leur opinion sur Yair Lapid, que sur ce qu’ils ont entendu à son sujet. La plupart d’entre eux n’a jamais lu ses écrits et ne connaît pas ses positions à l’opposé de leur a priori. Les extraits suivants, tirés des pages du journal très lu qu’est Yediyoth Ahronoth à l’occasion de Yom Kippur, publié il y a quelques jours, en sont un bon exemple :«L’arrogance est la raison pour laquelle nous avons assurément besoin de Yom Kippur. Ce jour-là permet à tous ceux qui pensent qu’eux seuls ont l’exclusivité de comprendre Dieu de demander pardon (…). La capacité de demander pardon, est aussi la capacité d’englober les autres, malgré le fait qu’ils soient différents… Dieu nous envoie ce jour-là à la Synagogue afin de donner à notre âme des réponses à la question : « Comment nous sommes-nous écartés du bon chemin? » »

Cette directive me remplit d’admiration et de respect pour cette sagesse divine car ceux qui se demandent « Comment me suis-je écarté du bon chemin? » sont fondamentalement de meilleures personnes que celles qui se disent : « J’ai raison! »

Celui qui prononce de tels mots, - ces mots que l’on devrait entendre, un soir de Yom Kippur, prononcés par les leaders religieux des séminaires rabbiniques-, est-il réellement contre la religion et peut-on dire qu’il rejette Dieu?

Celui qui, constamment répète qu’il n’est pas anti ultra-orthodoxe et dont le comportement démontre clairement qu’il ne l’est pas, peut-il légitimement être considéré anti-ultra orthodoxe ? Celui qui a demandé que la Bible hébraïque soit enseignée dans toutes les écoles juives, afin d’inculquer à nos enfants un amour de notre héritage, peut-il être étiqueté autrement que comme quelqu’un imprégné par le judaïsme ?

L’année 5772 ne m’avait apporté que des sentiments négatifs, envers Shmuel Pappenheim et Yaïr Lapid. Je la laisse derrière moi plein de respect à leur égard.

J’espère et je prie (…) pour que 5773 soit une année où nous arrêtions de ne juger que sur les apparences, que nous dépassions ces limites, afin de construire une société juive et un État d’Israël, plus forts, plus unis.

 Texte traduit par Michel Mons



[1]Voir sur ce site mon article, « La ségrégation sexuelle ou des genres en Israël : état des lieux »,JQDS, 01.01.2012

[2] Gil Hoffman, « Anglo candidate Lipman leaves MK Amsalem's party », Jpost, 17.06.2012

[3]«Yair Lapid speaks to Haredi track of Kiryat Ono Col »,Mars 2012, traduit de l’hébreu en anglais sur le site Makom Israël.

[4] Yair Ettinger et Ophir Bar-Zohar, «Yair Lapid unveils plan to integrate ultra-Orthodox into the IDF», Haaretz, 01.05.2012

 [5]L’attitude du monde ultra orthodoxe à l’égard du travail des hommes est diversifiée. Après la Shoah, l’impératif de reconstruire le monde des « yeshivot » (écoles talmudiques) a primé dans le courant dit « mitnagdi » ou lituanien et pour certains groupes hassidiques alors que pour d’autres communautés hassidiques, le travail était une donnée intégrée.

[7] Voir note 1.

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