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Judaïsmes et Questions de Société

18 juillet 2022

Oeuvrer au respect du pluralisme religieux juif au Mur occidental de Jérusalem et au delà...

Dans l'article (voir lien 1 ci dessous), l’auteure, Yochi Rappeport, directrice l'éducation et de la sensibilisation communautaire pour les "Femmes du Mur" rappelle que la violence (insultes, livres de prière déchirés, coups de pieds, etc) à laquelle ont été confrontées, il y a quinze jours, les familles de l’étranger qui célébraient des bar mitsvot dans l’espace égalitaire du Mur occidental de Jérusalem (Ezrat Israël situé un peu plus loin que le Mur), par des jeunes ultra orthodoxes, est le lot des "Femmes du Mur" qui vont prier en groupe une fois par mois au Mur.

« « Nazis, hérétiques, putains. « Ce n'est pas nouveau. Nous avons fait face à cette haine gratuite depuis plus de 33 ans. Nous sommes tristement habituées à être entourées de compatriotes juifs qui veulent que nous nous taisions, que nous sortions et même que nous mourions, juste pour la façon dont nous prions. ».

Elle pointe le manque de sécurité pour les femmes (comme pour les familles pré mentionnées) par une police parfois trop négligente (semble-t-il) et l’éducation à la haine du pluralisme religieux dans certains milieux orthodoxes :
« La situation actuelle est ce qui se passe lorsqu'une petite fraction de Juifs considère une partie importante des Juifs comme des non-Juifs. Non seulement des non-juifs, mais quelque chose de mal et de subversif, essayant de détruire le "judaïsme authentique". Ces Juifs « non juifs », fait intéressant, constituent la majorité de la communauté juive de la diaspora.". 
Et elle ajoute "Quand on enseigne aux enfants que les juifs conservateurs (du mouvement non orthodoxe conservative ou massortim ndr), réformés et orthodoxes modernes sont des hérétiques parce qu'ils se livrent à un culte égalitaire, bien sûr, la violence s'ensuivra. Ce qui s'est passé à Rosh Chodesh Tammuz (la demi fête qui marque le renouvellement de la lune durant laquelle les "Femmes du Mur" vont prier au Mur ndr) , et ce qui se passe à chaque Rosh Chodesh, est le résultat prévisible d'un système éducatif qui enseigne que le judaïsme égalitaire s'apparente au nazisme. »
Et surtout elle rappelle la triste ironie du « timing ».
En effet, hier les Juifs jeûnaient pour le 17 Tamouz, ce jour où commencent « les Trois Semaines, aboutissant au deuil après la destruction du Temple. La raison de cette destruction, nous enseignent nos sages, était la sinat chinam (haine gratuite) parmi les Juifs. »
Or ces mêmes personnes qui hier jeûnaient ne retourneront-elles pas d’ici peu encore insulter toutes ces manifestations d’un judaisme pluriel et/ou féministe?!
Tant que l’éducation à la haine se poursuivra….

Je pense à un passage du traité  Guittin 55b du Talmud de Babylone : un homme Kamtsa humilie publiquement à plusieurs reprises son ennemi Bar Kamtsa au cours d’une fête. Et les rabbins présents ne réagissent pas. Bar Kamtsa pour se venger se dit : « puisque les rabbins présents n’ont pas protesté contre ce que l’on m’a fait, donc ils sont d’accord. Je vais les dénoncer au gouverneur (romain). ». Et il monte tout un stratagème pernicieux et ainsi l’engrenage de la haine débute (voir lien 2 ci dessous

Mais on peut la stopper, à mon sens, en oeuvrant pour un respect du pluralisme à l’intérieur du judaisme (en diaspora comme en Israël) , pour l’acceptation des femmes du Mur qui prie une fois par mois une heure, pour l’aménagement et la sécurité du lieu égalitaire de prières proche du Mur occidental promises depuis des années et jamais mise en œuvre par Natanyaou et les autres gouvernements, pour une transparence au sein du conseil qui gère le Mur occidental, etc…
Sonia Sarah Lipsyc

Nazis and heretics and whores - oh my!

"Nazis!" "Heretics!" "Whores!" This is the chorus of hatred that my colleagues and I hear every Rosh Chodesh, marking the start of a new Hebrew month. Two weeks ago, Rosh Chodesh Tammuz, the same vile rhetoric was hurled at Jews praying in the egalitarian (Ezrat Yisrael) section of the Kotel during B'nei Mitzvah ceremonies, garnering international headlines.

https://blogs.timesofisrael.com

https://blogs.timesofisrael.com/nazis-heretics-and-whores-oh-my/


(voir https://akademimg.akadem.org//Medias/Documents/Kamsa-Doc1.pdf document 1 du lien suivant :
Ticha Beav: pleurer avec joie

L'exil, rupture de l'être Le Temple, lieu de vérité (4min) La haine gratuite et l'amitié interessée (3min) Pleurer avec joie 9 Av, naissance du messie (5min) Biographie des conférenciers Ruben Honigmann - journaliste Ruben Honigmann est journaliste et directeur éditorial d'Akadem.

https://akadem.org

https://akadem.org/sommaire/themes/vie-juive/les-fetes/jours-de-jeunes/ticha-beav-pleurer-avec-joie-20-07-2017-93236_360.php)

Post originellement mis sur le groupe facebook : Judaïsme et féminisme.
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9 avril 2018

DE L’ACCORD PRENUPTIAL AU DIVORCE JUIF RELIGIEUX (GUET)

DE L’ACCORD PRENUPTIAL AU DIVORCE JUIF RELIGIEUX (GUET)

PAR SONIA SARAH LIPSYC

Dr Sonia Sarah Lipsyc

Sonia Sarah Lipsyc

Dr Sonia Sarah Lipsyc est rédactrice en chef du LVS et directrice de Aleph – Centre d’études juives contemporaines au sein de la Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ).

L’importance d’avoir un guet (divorce juif religieux)

La possibilité de dissoudre une union existe dans le judaïsme depuis les temps bibliques. Il s’agit, en fait, d’une répudiation de la femme par l’homme 1. Au fil du temps, les maîtres du Talmud et les rabbins ont balisé les conditions de cette répudiation. Ainsi, ils ont autorisé, depuis les temps talmudiques, la femme à demander à être répudiée tout comme ils ont exigé son consentement pour toute répudiation (voir notammant la takana ou l’édit de Rabbenou Gershom Ben Yehudah (950-1028) ). Dès lors «la répudiation biblique unilatérale prenait ainsi la forme d’un divorce par consentement mutuel et ce, avant la lettre» 2.

Il reste que dans la Loi juive (halakha), c’est l’homme qui, accorde de son plein gré, le divorce religieux (guet) à sa femme et non point un tribunal religieux (beth din) qui le prononce. Sans cet octroi, la femme, à qui on a refusé le guet, acquière le statut d’agouna (littéralement ancrée à son statut de femme mariée) et se voit alors dans l’impossibilité de se remarier religieusement. Si, durant cette période d’attente du guet, elle connaît un autre homme au sens biblique du terme, par exemple en union libre ou en se remariant civilement, elle est considérée comme une femme adultère. De plus les enfants qu’elle pourrait avoir avec cet autre homme, seraient désignés comme illégitimes (mamzérim) et ne pourraient se marier qu’avec d’autres personnes ayant le même statut qu’eux et ce durant des génération. A l’inverse, au cours de cette même période, le mari récalcitrant à donner le guet peut avoir une relation avec une femme non mariée sans être considéré comme adultérin et sans que les enfants nés de cette union ne soient mamzerim. Sa liberté en la matière reste la même si la femme refuse d’accepter le guet, situation nettement moins courante.

Cette situation dissymétrique suscite des souffrances morales pour les femmes agounot privées de toute intimité durant des mois, souvent des années, et limite voire les empêche d’avoir des enfants si tant est – et elles sont plutôt nombreuses – qu’elles soient soucieuses de respecter la loi juive. Elle entraîne des abus de toute sorte, communément appelé «chantages au guet » et qui défrayent régulièrement la chronique ici et là. Les femmes en sont parfois réduites à acheter leur guet ou renoncent à des biens ou pensions accordées par le tribunal civil. Car rappelons, une femme divorcée civilement ne l’est pas religieusement tant qu’elle n’a pas reçu son guet. L’homme également reste religieusement marié à son épouse tant qu’il n’a pas donné le guet ou tant que celle-ci ne l’a pas accepté. Mais comme nous le relevions, l’immense majorité des cas concerne des femmes en attente de leur guet.

Affiche du film Guet

Or de tout temps, les rabbins ont tenté de limiter cette prérogative donnant lieu à des abus. Il existe, dans ce sens, toute sorte de dispositifs dans la loi juive mais ils requièrent la volonté de les mettre en application 3. L’un d’entre eux semble actuellement trouver un certain concensus même si ce n’est pas encore le cas, aux yeux de tous 4. Il s’agit de l’accord prénuptial juif. C’est un accord de respect mutuel signé avant le mariage qui stipule «que si le mariage se termine par un divorce, les deux conjoints s’engagent à coopérer pour le guet et ne refuseront pas de participer à la libération de leur conjoint pour quelque raison que ce soit» 5. L’accord prénuptial juif existe sous différentes formes dans de nombreux pays comme les Etats-Unis, Israël et le Canada. Depuis septembre 2016, l’importante association du R.C.A. (Rabbinical Conseil of America) qui regroupe des rabbins orthodoxes, exige que chaque rabbin demande au couple de la signer avant de se marier.

Du point de vue de la loi juive, des décisionnaires aussi importants que le rabbin Moshé Fenstein (1895-1986) ou le Grand Rabbin Ovadia Yossef (1920-2013) l’ont autorisé 6. Il est d’ailleurs remarquable que « les premiers accords prénuptiaux ont été mis en place par le Rav Shalom Messas au Maroc dans les années 1950 » au cours d’un rassemblement annuel du Conseil rabbinique 7.

Qu’est-ce qu’un accord prénuptial juif au Québec ?

Un rabbin est tout particulièrement attentif, à Montréal, à cette problématique, et à la situation dramatique des femmes agounot, c’est le rabbin Michael Whitman de la Congrégation Adath Israël Poale Zedek Anshei Ozeroff. « Etre coincée dans une relation morte, sans pouvoir passer à autre chose, est une terrible forme d’abus domestique (…) En incitant à signer cet accord, c’est une manière de dire à toute femme souffrante comme agouna : « vous n’êtes pas seule. Toute la communauté fera tout ce qu’il faut pour s’assurer que ce cauchemar finira » » 8. Comme il l’exprime encore , avant de proposer un accord prénuptial propre au Québec : « Pendant plusieurs années, j’ai consulté un large groupe d’experts en loi juive (…) des experts juridiques, y compris des professeurs de droit, des juges à la retraite et des avocats à Montréal (…) ». Il s’agit d’une entente privée et civile, signée par les deux conjoints et deux témoins 9. Cet accord qui ne comporte au Québec aucune pénalité financière, de sorte qu’il n’y ait pas de risque que le guet soit considéré comme forcé (meoussé), et donc être invalide au regard de la loi juive, peut être utilisé à la fois par les cours rabbiniques comme par les cours civiles. Pour les tribunaux rabbiniques (baté din), il s’agit d’un engagement moral sur lequel s’appuyer pour inciter fortement les conjoints et notamment le mari récalcitrant à donner le guet en lui rappelant qu’il s’agit d’un commandement (mitsva). Pour les cours civiles, il doit être transmis au juge, qui, l’incluant dans le dossier, peut refuser d’entendre les doléances du conjoint récalcitrant pour le divorce civil tant que le guet n’est pas réglé. Il s’appuie pour ce faire sur l’article 21.1 de la Loi sur le divorce qui considère le refus de recevoir ou de donner le guet comme une intention de nuire et une entrave au bon déroulement du divorce civil. Cet article 21.1 a été intégré en 1990 à la loi canadienne grâce notamment à l’action de la Coalition canadienne des femmes juives pour le Guet, menée par la professeure Norma Joseph, soutenue par d’autres associations juives 10. Evelyn Brook Becker, l’actuelle présidente de la Coalition canadienne des femmes juives pour le Guet, qui aide et soutient les femmes en attente de guet, considère « que l’accord prénuptial est efficace si les avocats sont au courant de son usage et les utilisent correctement » 11. Elle rappelle qu’il y a actuellement au Québec plus de « vingt femmes agounot et combien d’autres qui ont abandonné l’espoir d’avoir un guet ? ». Pour le rabbin Whitman, « si l’accord prénuptial est correctement utilisé, il peut empêcher presque tous les cas d’agouna. (…) ». C’est pourquoi à ses yeux « les parents ne devraient pas accompagner leurs enfants sous le dais nuptial (houpa) à moins qu’un accord prénuptial ne soit signé. Les amis du couple ne devraient pas les laisser se marier à moins que cette entente n’ait été signée au préalable ». Et à celles ou ceux qui s’étonneraient que l’on parle de divorce au moment du mariage et qui craindraient que cette évocation n’éveille le « mauvais œil », le rabbin Whitman rappelle que la ketouba (acte de mariage), signée juste avant la cérémonie du mariage, mentionne notamment la somme que le mari versera à son ex-épouse, en cas de divorce. Même si de nos jours, il s’agit d’une somme symbolique, le principe est présent dans la ketouba.

Toutes les synagogues modernes orthodoxes soumettent l’accord prénuptial aux futurs mariés, à Montréal 12 comme par exemple les Congrégations Adath Israël, Spanish and Portuguese, Tifereth Beth David Jerusalem, Beth Zion, Beth Tikvah, Adath Israël, etc. D’autres congrégations, d’autres sensibilités, comme Shaar HaShomayim la propose également.

Il existe même un accord post nuptial pour les couples qui n’auraient pas eu l’occasion de signer l’accord prénuptial. En septembre dernier, soixante-quinze couples de Montréal l’ont signé 13.

Le rabbin Michaël Whitman a pour projet maintenant de se tourner vers l’ensemble du monde orthodoxe de Montréal – des congrégations sépharades aux lieux hassidiques – pour les convaincre de généraliser l’usage de l’accord prénuptial. Une action remarquable qui permettrait enfin de mettre fin à ce que certains considèrent comme le scandale du judaïsme contemporain.

Cet article est paru dans le numéro LVS-La Voix Sépharade, Sept 2017 dans le Dossier Spécial :" Le couple juif dans tous ses états"

Notes:

  1.  Voir Deutéronome 24 ; 1. ↩
  2. Gabrielle Atlan, Les Juifs et Le Divorce: Droit, Histoire et Sociologie du Divorce Religieux, Edition Peter Lang Gmbh, Internationaler Verlag Der Wissenschaften, Berne, 2002, p. 39. ↩
  3. Cf. Janine Elkouby, « Quelle solutions pour les messorevot guet (femmes à qui les maris refusent de donner le guet – ndr) ? Blog moderne orthodoxe, 7 mai 2014 http://www.modernorthodox.fr/quellessolutionspourlesmessorevotguetparjanineelkouby/ ↩
  4. Voir par exemple pour Israël, les accords soutenus par les rabbins Stav, HNi. Media, « 44 Orthodox Rabbis Attack Tzohar Prenuptial Get: If You Support It You’re Not Orthodox », JewishPress, July 12, 2017. http://www.jewishpress.com/news/israel/religious-secular-in-israel-israel/44-orthodox-rabbis-attack-tzohar-prenuptial-get-if-you-support-it-youre-not-orthodox/2017/07/12// ↩
  5. Définition donnée par le rabbin Michael Whitman, « FAQ – Halachic Prenup/Postnup for Canada ». http://www.adathcongregation.org/pdf_doc/HalachicPrenup-PostnupFAQ.pdf. ↩
  6. Voir respectivement « Even Haezer 4; 107 » dans Igros Moshe et Yabia Omer, 3;18. ↩
  7. Voir à ce sujet Gabriel Abensour, « Guide du mariage juif et des accords prénuptiaux », Blog moderne orthodoxe, 25 août 2016 : http://www.modernorthodox.fr/guidemariagejuif. Cf. également Rachel Levmore, « Rabbinic responses in favor of prenuptial agreements » dans Tradition 2009 n° 42;1 p.31 : http://traditionarchive.org/news/pdfs/0029-0049.pdf et Gabrielle Atlan, Les Juifs Et Le Divorce: Droit, Histoire Et Sociologie Du Divorce Religieux, op cité p 225-229. ↩
  8. Les citations du rabbin Whitman dans cet article sont tirées des questions les plus fréquentes sur l’accord prénuptial rédigées par lui (voir note 5) ou d’autres textes sur ce sujet sur l’item de son site http://www.adathcongregation.org/page_prenup.html ; elles sont également extraites d’un entretien accordé à l’auteure de cet article le 21 août 2017. ↩
  9. Voir http://www.adathcongregation.org/pdf_doc/HalachicPrenupforCanadaFR.pdf ↩
  10. Voir Pierre Bosset et Paul Eid, « Droit et religion : de l’accommodement raisonnable à un dialogue internormatif ? », Avril 2006, Commission des droits de la personne et de la Jeunesse, Québec. http://www.cdpdj.qc.ca/publications/droit_religion_dialogue_internormatif.pdf. ↩
  11. Entretien du 21 août 2017. Pour se mettre en contact avec la Coalition canadienne des femmes juives pour le Guet, vous pouvez appeler au 514-343-8706 où sont régulièrement relevés les messages ou écrire un courriel à agunahfree@gmail.com. Il existe également un « guide du divorce juif » que vous pouvez obtenir sur demande. ↩
  12. Pour plus d’informations, contactez le rabbin Whitman en lui écrivant : rabbi@adath.ca www.adath.ca ou par teléphone : 514-482-4252. ↩
  13. Voir Janice Arnold, « Couples sign innovative postnup agreement at mass event », CJN,  14 septembre 2016.  http://www.cjnews.com/news/canada/httpwww-cjnews-comnewscanadapostnup-signing-montreal. ↩
20 mars 2018

Hommage à la féministe et syndicaliste Léa Roback à l'occasion de la journée internationale des femmes

A l’occasion de la journée internationales des femmes ce 8 mars 2018, j’aimerais juste évoquer, car elle mériterait un plus bel hommage, Léa Roback (1903-2000), cette femme remarquable, juive, québécoise féministe et syndicaliste, résolument orientée du côté de la justice sociale. 

Peinture murale Léa Robback(En photo, la peinture murale à son effigie réalisée par Carlos Oliva en 2014 et qui se trouve à l’angle de l’avenue Mont Royal et St Dominique à Montréal)

De son éducation, ancrée dans les valeurs juives traditionnelles, elle reçut en héritage la conscience de devoir améliorer le monde et l’impératif de la responsabilité de tout un chacun.e dans ce processus

Elle parlait couramment le yiddish, l’anglais et le français transcendant ainsi les deux voire les trois solitudes qui tissèrent longtemps le paysage de cette belle Province. 

Elle lutta contre la prostitution, réussit à plusieurs reprises (1937 et 1943) à faire syndiquer des femmes afin qu’elles puissent avoir de plus dignes conditions de travail. Elle oeuvra pour le droit à la contraception et l’avortement et tant d’autres causes.

Il existe aujourd’hui à Montréal, une Fondation Léa Roback, un Centre Léa-Roback pour la recherche sur les inégalités sociales de santé, une maison d’édition et centre de documentation Parent-Roback travaillant à améliorer la situation des femmes ainsi qu’à la promotion de la justice sociale. Et il y aussi des rues à son nom à Montréal comme à Beauport près de Québec. 

En photo, la peinture murale à son effigie réalisée par Carlos Oliva en 2014 et qui se trouve à l’angle de l’avenue Mont Royal et St Dominique à Montréal.

Sonia Sarah Lipsyc

Pour en savoir plus cliquez ici

Ce texte bref  reprend un post du 8 mars 2018 de la page Facebook "Judaismes et questions de société" que vous pouvez rejoindre et lisker  en cliquant ici.

17 octobre 2017

Comment les femmes juives orthodoxes ont commencé à étudier le Talmud au College supérieur Stern de la Yeshiva University (N.Y)

Le lundi 11 octobre 1977, le rabbin Joseph B.Soloveitchik (1903-1993), leader du monde moderne orthodoxe, donnait le premier cours de Talmud aux femmes du College supérieur Stern de la Yeshiva University (Y.U) de New York. Il inaugurait ainsi un cycle d’étude du Talmud pour femmes qui allaient pouvoir étudier directement les textes du corpus talmudique selon la méthode traditionnelle de cours et d’études en « havrouta » (binôme). 
C’était une révolution dans le monde orthodoxe– il y a 40 ans.

L'article suivant "Forty Years Later: The Rav’s Opening Shiur at the Stern College for Women Beit Midrash" (1) écrit par l’un des artisans de cette initiative, le rabbin Saul J. Berman raconte comment celle-ci s’est mise en place : ce qu’elle a requit comme désir de partage et de volonté, le succès qu’elle a suscitée puisque les femmes sont venues en nombre s’inscrire mais aussi d’autres réactions hostiles qui se sont exprimées au sein du monde orthodoxe.

Ce genre de témoignage est toujours très instructif, d’abord par connaissance et reconnaissance de notre histoire et de l’évolution de l’équité en la matière ; ensuite parce qu’il y a toujours des leçons à tirer de la manière dont ces droits ont été acquis.

Stern+Talmud+Shiur(Cours inaugural de Talmud du rabbin Joseph B.Soloveitchik pour les étudiantes du College supérieur Stern)

Je vous laisse découvrir les noms des rabbins qui se sont investis dans cette initiative dont le Dr Haim Soloveitchik, le fils du Rav Soloveitchik, qui raconte qu’à la maison, son père enseignait le Talmud à ses enfants, les filles comme les garçons. 
Ce jour là d’octobre, le Rav Soloveitchik donne cours sur le 10ème chapitre de Pessahim  du Talmud de Babylone devant une assemblée de soixante femmes. « Il n’y avait pas de différence fondamentale entre le cours du Rav au College Stern et tout autre cours qu’il aurait pu donner à la Y.U ou ailleurs » écrit l’auteur de l’article. 
Mais surtout, il rappelle ce moment émouvant où le Rav évoque les Sages de la Mishna, du Talmud, les Rishonim (premiers codificateurs de la loi juive) comme Maimonide, et le Gaon de Vilna, et son grand père le Rav Hayyim Soloveitchik (1853-1918) en disant : « ils sont tous ici dans la salle. Quand un Juif dit « kiddouch levanah » (prière sur la lune), il proclame « David, le roi d’Israël est vivant » et cela concerne non seulement David mais tout membre de notre tradition qui a fait référence à la Torah orale, qui a vécu et expérimenté celle-ci (….) Sans Torah orale, il n’y a pas de judaisme » (…). 
Il est important non seulement que les garçons soient instruits dans ce sens mais aussi les filles. Je vous soutiendrai dans cette éducation. Si vous avez des problèmes, je vais me battre à vos côtés. Je sous souhaite du succès (« beracha vehatslarah», de l'hébreu, littérallement "bénédiction et réussite") et j’espère que l’année prochaine, vous saurez davantage encore et beaucoup plus ».
Avant que le Rav Solovietchik ne quitte les lieux, il s’est tourné vers le rabbin Saul J Berman et lui a dit : « Dites à ces jeunes filles que si leurs pères ou leurs frères leur disent : qu’est ce que tu fais en apprenant la « guemara » (Talmud), « bist duch, ni maidel » ( ce qui veut dire en yiddish "tu n’es qu’une fille !") …de ne pas leur répondre. Qu’elles m’envoient leurs pères et leurs frères et je répondrai pour elles». 

Cependant les réactions ne se firent pas attendre… « J'appris » écrit l’auteur, le rabbin Berman, « qu’une tentative était menée par un groupe de leaders se prévalant du "Yeshiva World » (du monde des écoles talmudiques) pour mettre sous « herem » (modalité d’excommunication) le Rav Soloveitchik et le Collège Stern : «pour la violation supposée scandaleuse des normes de la Halakha (loi juive). Rabbi Yitschok Hutner de la la Yeshiva Rabbi Chaim Berlin et Rabbi Shimon Schwab de Kahal Adath Jeshurun ont pris cette initiative et ont rassemblé très vite huit signataires pour ce décret officiel. Cependant, ils étaient réticents à prononcer cette interdiction sans la signature du rabbin Moché Feinstein, (1895-1986), autre grand leader du monde orthodoxe) que ces oppposants avaient réussi à sensibiliser à leur cause. » Mais les responsables du College arrivèrent à parler au Rabbin Moche Feinstein avec le corps professoral impliqué ainsi qu'une élève participante au College Stern. Le rav Feisntein les accueilli, insista « sur le fait que la décision éducative de Rav Soloveitchik sur cette question n’avais pas besoin d’être validée lui ». 
Peu après la campagne de « herem » était abandonnée. 
Voilà toute ressemblance avec des combats d’aujourd’hui ne serait que pure coïncidence. Vraiment vous croyez ?

PS : Ah, au fait, j’aimerais savoir si dans les écoles juives en France, les jeunes filles ont enfin accès au Talmud («guemara » ou même « michna » autre que les « pirke avot », ce traité d’éthique dans les écoles juives ?). Merci de vos réponses. Et puisque on y est, un tour d'horizon rapide des lieux où les femmes peuvent étudier le Talmud serait le bienvenue

(1) Paru dans le média thelehrhaus, le 09.10.17

Ce résumé a été initialement mis en ligne   sur le groupe Facebook Judaïsme et Féminisme

11 mai 2017

ÊTRE UNE FEMME, ÉTUDIER ET ENSEIGNER LE TALMUD

ÊTRE UNE FEMME, ÉTUDIER ET ENSEIGNER LE TALMUD

ENTRETIEN AVEC WENDY AMSELLEM PAR SONIA SARAH LIPSYC

Wendy Amsellem

Wendy
Amsellem

Dr Sonia Sarah Lipsyc

Sonia Sarah Lipsyc

Dr Sonia Sarah Lipsyc est rédactrice en chef du LVS et directrice de Aleph – Centre d’études juives contemporaines.

Pourriez-vous nous parler de votre expérience dans les études juives : où avez-vous étudié, quels étaient les cours que vous avez suivis ? Et qui sont les maîtres dont vous vous êtes inspirée ?
J’ai étudié dans une école de jour (Académie hébraïque de Five Towns et Rockaway) pour l’école élémentaire et l’école secondaire. Je suis ensuite allée en Israël à la Midreshet Lindenbaum 1 pour étudier pendant un an. Je suis retournée à Harvard College où j’ai pris quelques cours d’études juives, mais je me suis spécialisée dans l’Histoire et la Littérature de l’Amérique. Ensuite, j’ai étudié pendant trois ans dans le cadre d’un programme de Talmud et de Halacha (loi juive) au sein de l’Institut Drisha 2.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’étudier le Talmud ?
J’ai commencé à apprendre le Talmud en sixième année au cours de ma scolarité et j’ai toujours aimé ça. J’avais des professeurs inspirants au lycée et au-delà qui ont approfondi mon amour pour le Talmud.

D’où vient votre famille ?
La famille de mon père est d’origine marocaine, mais ils ont déménagé à Oran, en Algérie juste avant sa naissance. Il a grandi en Algérie. Cependant à l’âge de vingt ans, lorsque l’Algérie est devenue indépendante, lui et sa famille se sont installés en Israël. Ma mère est ashkénaze et incarne déjà la  troisième génération en Amérique.

Que diriez-vous aux gens de notre communauté sépharade qui pourraient être perplexes ou même penser qu’il est impossible pour une femme d’étudier le Talmud ?
Ce n’est certainement pas impossible et je pense qu’il est important que les femmes aient accès à tous les textes riches de notre tradition. Tant de nos lois et traditions sont basées sur et codifiées dans le Talmud, il serait triste de garder la moitié de notre population ignorante de celui-ci.

Où enseignez-vous ?
J’enseigne à Drisha et à la Yeshivat (école talmudique) Maharat 3 à New York.

Selon vous, quels sont les principaux changements dans la communauté orthodoxe, notamment en ce qui concerne l’évolution de la condition féminine ?
Le nombre de femmes qui reçoivent la semicha (ordination rabbinique) 4 aujourd’hui et qui trouvent des emplois à la tête de la communauté juive est enthousiasmant et fait avancer la communauté de façon positive.

Pouvez-vous vous définir comme une orthodoxe moderne et une féministe orthodoxe juive ?
Sûr ! 5

Quel est votre héritage sépharade et comment l’intégrez-vous à votre vie new-yorkaise – si tel est le cas ?
Mon héritage sépharade trouve son expression la plus claire lorsque je rends visite à ma famille marocaine en Israël. Si j’ai la chance d’être là-bas pour la fête de Pessah, j’aime participer à la mimouna 6 de notre famille. Ma sœur Addie, vit en Israël et nous essayons de nous rendre ensemble à la synagogue pour faire des sélitchot 7 aussi souvent que nous pouvons durant le mois hébraïque de Eloul. Si je suis à New York, Addie m’appelle parfois au cours de cette période pour que nous puissions chanter ensemble notre piyyut (poème liturgique sépharade) préféré. En septembre dernier, Addie s’est mariée et nous avons tous aimé nous habiller en costumes marocains et nous mettre du henné. Quand mon père est décédé il y a deux ans, j’étais inquiète que notre famille et la synagogue marocaine près de leur maison à Ashdod prêtent attention et respectent ma décision de dire le kaddish 8, mais ils y ont été généralement favorables.

 

 Notes:

1.La Midreshet Lindenbaum, (Jérusalem), anciennement Michelet Bruria, fondée en 1976 par le rabbin Chaim Brovender, a été l’un des premiers instituts, dans le monde orthodoxe moderne,  à proposer aux femmes des études de Talmud de haut niveau. Il a également mis sur pied une formation pour des femmes souhaitant être avouées rabbiniques et ainsi accompagner d’autres femmes au Tribunal rabbinique, notamment pour les affaires de divorce. Voir http://www.midreshet-lindenbaum.org.il/ Toutes les notes sont de la rédaction

 2. Drisha a été fondé en 1979 à New York par le rabbin orthodoxe moderne David Spilber. Voir http://drisha.org/

3.Il s’agit d’une yeshiva qui prépare les femmes à être MaHaRat acronyme de manhiga hilkhatit rouhanit Toranit, soit guide en matière de loi, spiritualité et Torah. En 2009 le rabbin Avi Weiss représentant la sensibilité « open modern orthodox » a ordonné la première femme MaHaRat, Sara Hurwitz actuellement doyenne de cette yeshiva. À Montréal, la Congrégation Shaare Shamayim a engagé, en 2013, la MaHaRaT Rachel Kohl Finegold. Voir http://www.yeshivatmaharat.org/

4.Le titre de MaHaRaT équivaut à une ordination rabbinique. Il faut relever aussi que dès le début du XXIe siècle, il existe des exemples de femmes orthodoxes (Mimi Feigelson, Eveline Goodman-Thau,  Aviva Ner David) ayant reçu une ordination rabbinique de la part de rabbins orthodoxes respectivement par les rabbins Shlomo Carlebach, Jonathan Chipman et Strikovsky. Sur l’ensemble de ce sujet notamment en Israël, voir l’article du jeune leader sépharade Gabriel Abensour, « L’émergence    d’un leadership féminin orthodoxe en Israël ». http://www.modernorthodox.fr/leadershipfeminin/

5. Il existe deux Forums importants de femmes juives orthodoxes et féministes : JOFA fondé en 1997 aux É.-U. et KOLECH, créé en 1998 en Israël. Voir https://www.jofa.org/ et https://www.kolech.org.il/en/

6.Est-il besoin de faire une note à ce sujet ? Alors pour les non initiés, le soir à l’issue de la fête de Pessah, dans les communautés juives d’Afrique du Nord et particuliè-rement marocaines, l’on mange, entre autres,  du couscous et des moufletas (crèpes) en se rendant d’une maison à l’autre.

7.À partir du début du mois hébraïque de Eloul et jusqu’au Yom Kippour (Grand pardon), les Juifs sépharades lisent ces demandes de pardons

8.Prière dite notamment par les endeuillés

Cet entretien est initialement paru sur le site du  LVS (La Voix Sépharade), le magazine de la communauté sépharade du Québec.
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7 février 2016

"Serah’ fille d’Acher ou les modalités de la foi juive"

CoursTalmudNov2009Montréal(Sonia Sarah Lipsyc devant une classe à ALEPH/Montreal)

"Serah’ fille d’Acher ou les modalités de la foi juive", est un commentaire sur le passage de la Torah "Vaéra" (Il apparu) du livre de l'Exode que j'ai écrit le 6.01. 2016, pour le site francophone juif orthodoxe moderne dirigé par Gabriel Abensour et Emmanuel Bloch. Ce site sollicite pour l'année 5776 (2015-2016), chaque semaine, un intervenant (e) pour proposer un éclairage sur le passage biblique lu le shabbat de cette semaine là à la synagogue. 

"Moise et les femmes

Les premiers versets de la paracha qui sera lue ce chabbat, Vaera (Je suis apparu), « Dieu (Elokim) parla à Moise et lui dit : Je suis l’Eternel (Youdkévavké)» etc.[1] dans la continuité des chapitres précédents de l’Exode, s’apparente, sous certains aspects, à l’antidote du poker menteur. Alors que dans ce jeu, le joueur avance ce qu’il n’a pas et bluffe, ici chacun dit qui il est mais la question est de savoir qui va le croire ?

Moïse doute de lui, de sa capacité à faire croire et à être cru : « Qui suis-je que j’aille vers Pharaon et que je fasse sortir les enfants d’Israël d’Egypte ?! ». Il doute donc aussi des autres : « Et voici, ils ne me croiront pas (…) »[2]. La négociation est serrée entre lui et l’Eternel et Moise finit par arracher que son frère Aaron l’accompagne pour rencontrer d’abord  les anciens d’Israël[3]  et plus tard, le pharaon, si ces derniers l’adoubent comme le messager de la délivrance. Mais la partie est loin d’être gagnée… Pourquoi les anciens d’Israël, devraient-ils croire Moïse lorsqu’il leur dira : «  Dieu (Youdkevavke), le Dieu (Eloqué) de vos pères, le Dieu d’Abraham, Isaac et  m’a envoyé vers vous. (Il m’a dit) : « Je vous ferai monter de la pauvreté de l’Egypte (…) vers un pays ruisselant de lait et de miel »[4] , etc. ? Il ne suffit pas de l’affirmer… Encore faut-il le prouver ? Mais comment ?

Une fois de plus, c’est une femme qui aura le mérite de ce discernement. Une fois de plus, car les exemples sont multiples dans la Torah au point que le Talmud attribuera aux femmes, en la matière, un surplus de bina(discernement)[5]. Ces catégories genrées sont à prendre ou à laisser ; nous verrons plus loin comment elles peuvent être intégrées à tout un chacun.

Des femmes, il y en a eu beaucoup dans la vie de Moïse qui l’ont aidé à réaliser sa vocation. Sa sœur Myriam, grâce à qui il doit… sa naissance, puisque selon le midrach, c’est après avoir interpellé son père que celui-ci reprendra femme, son ex-épouse, et engendra Moïse dont Myriam prédit, avant sa naissance, que ce sera un « fils qui sauvera Israël »[6]. C’est pourquoi elle est considérée comme l’une des sept prophétesses d’Israël[7]. Bitya, la fille de pharaon qui l’adoptera… Peut-on être un libérateur sans connaitre les codes de la société dominante ? Sa femme Tsipora qui circoncira leur deuxième fils en chemin, sauvant ainsi Moïse de l’ange de la mort[8].

Et maintenant… ’ la fille d’Acher qui attestera que Moïse est bien la personne qu’il prétend être. Et que le temps de la délivrance, malgré tous ses imbroglios, et quelques soient ses soubresauts, est venu.

 

Les lettres de la libération

Qui est Serah’ que l’on orthographie généralement « sin rèch et h’èth) ? Qu’apprenons-nous d’elle et que pouvons-nous rendre de cet enseignement de sorte que tout apprentissage ne soit pas un rapt mais une reconnaissance ? Il nous faut revenir au livre de la Genèse… Les frères de Joseph reviennent d’Egypte et ils ne savent pas comment annoncer à leur père Jacob que Joseph est encore vivant, de crainte notamment qu’il ne résiste à cette nouvelle bouleversante lui qui est en deuil depuis 22 ans… La tradition juive nous enseigne qu’ils croisent sur leur chemin du retour Serah’, la fille d’Acher qui savait jouer de la harpe et à qui « Dieu avait donné la beauté et la sagesse »[9]. Ils lui demandent d’annoncer la nouvelle à Jacob, alors elle prend sa harpe et chante… « Joseph est encore vivant »[10]. Le vieux patriarche prête attention, une grande joie l’envahit et l’inspiration prophétique (raouh akodech) qui l’avait quitté lui revient. Il sait ainsi que Serah’ dit vrai et pour la remercier de lui avoir en quelque sort redonner la vie, il lui souhaite « que la mort n’ait jamais d’emprise sur toi ». Elle traversa les siècles… Elle se rendit en Egypte avec Jacob et vit l’esclavage, la sortie d’Egypte, la traversée du désert[11], l’entrée en terre d’Israël, etc. A l’instar de quelques rares autres personnages bibliques, elle eut le mérite plus tard « d’entrer vivante au Paradis »[12]. Ainsi Serah’ est celle qui fait le lien entre la Genèse et l’Exode, l’esclavage et la rédemption, la promesse et sa réalisation. C’est pourquoi elle peut reconnaitre et attester que Moïse est le libérateur d’autant plus qu’elle avait été initiée aux règles de ce secret par son père Acher qui lui-même l’avait su par Joseph, Joseph par Jacob, Jacob etc.[13]. « Quand Moïse et Aaron se rendirent auprès des anciens d’Israël[14] et accomplirent les signes (miracles) devant leurs yeux, ils allèrent consulter Serah’, la fille d’Acher et lui dirent : « un homme est venu qui produisit des signes à notre vue de telle et telle façon ». Elle leur dit : « il n’y a rien de réel dans les signes ». Ils ajoutèrent : » Il a dit « pakod yifkod » (à savoir « et souvenir Dieu se souviendra »[15]). Elle leur dit : « c’est bien l’homme qui délivrera Israël d’Egypte car c’est que j’ai entendu de mon père, péh péh, de l’expression « pakod pakadeti » : « Souvenir Je me souviendrai »[16]. Aussitôt le peuple crut en son Dieu et en son messager comme il est dit : « Le peuple crut quand ils entendirent que Youdkévavké s’était souvenu des enfants d’Israël »[17]. La rencontre de Moïse avec les anciens d’Israël se passa comme l’Eternel l’avait annoncé à Moïse à partir de cette expression « pakod pakadeti » (péh péh) qui résonne comme un sésame[18]. Les signes de la rédemption sont des lettres comme nous l’enseignent encore les Chapitres de Rabbi Eliezer : « les cinq lettres doubles – de l’alphabet hébraïque celles qui ont des finales kaf, mèm, noun, péh et tsadèh – de la Torah tiennent toutes du secret de la rédemption » et de donner des exemples jusqu’à notre passage.

Un Dieu qui, tôt ou tard, tient ses promesses

La croyance (émouna) dans la tradition juive pourrait être définie comme la fidélité (neémanout) à une connaissance. Les deux termes d’ailleurs dérivent de la même racine « aleph mèm noun ». Elle est rivée à la connaissance du nom de Dieu sous son nom de youdkevavké : un Dieu créateur de l’univers, qui intervient dans l’histoire des humains, qui fait des promesses de libération et les réalise. Mais les patriarches et les matriarches, et toutes les générations, avant ce temps-là de la sortie d’Egypte, n’ont eu connaissance que des engagements de Dieu, point encore de ses accomplissements. C’est l’enseignement majeur du début de notre paracha : « Dieu (Elokim) parla à Moïse et lui dit : Je suis Dieu (Youdkevavke). Je suis apparu à Abraham, à Isaac, à Jacob en tant que Dieu (El Chadday) et sous mon nom de Dieu (Youdkevavke), je ne me suis pas fait connaitre d’eux » (Ex. 6 ; 2 et 3) ».

Et pourtant, c’est bien sous ce nom de Youdkevavké que Dieu leur est apparu ?! Et le célèbre commentateur Rachi (11ème siècle) d’expliciter : « Le texte ne porte pas : « je n’ai pas fait connaitre (en hébreu lo hoda’ti) mais je ne me suis pas fait connaître (lo noda’ti). Je n’ai pas été connu d’eux dans mon attribut de vérité qui fait que je m’appelle Youdkévavké (à savoir) digne de confiance (néeman ou fidèle) pour tenir parole. Car je leur ai fait des promesses mais je ne les ai pas encore exécutées ».

Autrement dit, Dieu s’est fait connaître auprès de ceux ou de celles qui ont précédé cette génération sous le nom de Youdkévavké mais ne leur a pas fait connaître l’accomplissement de la dimension de ce nom. Réalisation qui s’exprime ici dans son intervention prodigieuse pour la libération du peuple d’Israël de l’esclavage d’Egypte. C’est pourquoi cet évènement de la libération constitue dans l’identité narrative juive l’un des paradigmes de la rédemption. Il est rappelé à maintes occasions, dans le kiddouch de chaque chabbat ou au cours de la liturgie. Un moment d’une fête, le seder de Pessah’, – que rabbi Nahman de Braslav traduisait par Peh Sah’ la bouche qui parle – a même été institué pour faire le récit de cette sortie d’Egypte durant laquelle c’est un commandement que de se raconter son histoire.

Youdkevavké est le Dieu qui réalise ses promesses dans le dévoilement de son attribut de vérité. Dans la tradition juive, le Dieu unique n’est pas seulement le créateur mais celui qui intervient même de façon cachée dans l’histoire – tout l’enseignement du Rouleau d’Esther où le nom de Dieu n’apparaît pas une seule fois ! – et qui, tôt ou tard, tient ses promesses. Cette croyance dans l’attribut de vérité de Youdkevavké est, en quelque sorte, le fondement de l’espérance juive quelles que soient les vicissitudes et les douleurs que ce peuple traverse. Au point même, dans les temps les plus sombres, de croire en Lui malgré Lui.

Israël comme féminin des nations

Mais à ce stade du dévoilement de cette dimension de l’identité de Dieu et du temps de l’action, il fallait que quelqu’un puisse témoigner. Oui le temps était bien venu et Moïse en était le héraut et le guide. Le témoignage de Serah’ fut cru par les anciens et le peuple, le mérite est donc réciproque, même si comme dans notre paracha, il y eut des atermoiements quelques « incidents de parcours »[19] .

Cette conscience, d’ordre messianique, savoir qu’il y a une libération et que c’est le bon moment, est donc incarnée par une femme. Et on sait que les femmes se comporteront impeccablement tout le long de la traversée du désert. Elles auront la présence d’esprit au moment de la sortie d’Egypte, « beh’ipazon », dans la précipitation, de prendre des tambourins, persuadées que Dieu les protégerait dans leur sortie périlleuse de l’esclavage. Elles ne participeront pas au Veau d’or, de même qu’elles ne croiront pas le récit défaitiste des explorateurs et elles donneront en abondance leurs bijoux pour la construction du sanctuaire[20].

Est-ce que cette conscience est l’apanage des femmes ou du féminin qui peut exister en chacun comme il peut y avoir un masculin en chacune ? J’opterai pour cette deuxième proposition à l’indice individuel où chacun fait son équilibre (ou pas) de ces deux inclinaisons mais en ce qui concerne cette caractéristique, elle me semble, à l’échelle collective, présente et disponible pour tout un chacun. L’être juif peut s’inscrire dans cette foi juive en une transcendance qui annonce qui elle est dans son dévoilement, comme dans notre paracha, comme elle annonce aussi qu’elle avancera masquée. Ce même Dieu qui révèle ici sa dimension de vérité dans l’éclat est le même qui annoncera plus tard son éclipse[21]. Et nous sommes en héritage de cette conscience-là, d’une alliance que la tradition juive dit indéfectible. Israël reste Israël même s’il s’égare[22] et Dieu reste Dieu (Youdkevavke) même s’il se cache ou disparait au point, pour certains alors, rappellera Lévinas, « d’aimer sa Torah plus que Dieu »[23].

Il y a le temps de l’initiation, de l’attente, du voilement et de la libération. Il fallait quelqu’un contemporain de ces temps pour nous y initier. Serah’ les cumule, peut-être est-ce là son signe d’immortalité. Elle nous l’a légué, en quelque sorte, puisque le texte, mâché par la tradition juive, en témoigne si tant est qu’on y soit attentif.

Sonia Sarah Lipsyc

Post-scriptum: Que deviendra Serah’ elle dont nous n’avons pas décliné ici toutes les actions[24] ? Elle vivra encore longtemps selon les midrachim. Elle interviendra même encore dans une maison d’étude, pour dire ce qu’il en était des eaux de la mer rouge quand le peuple d’Israël la traversa et lorsque Rabbi Yochanan (3ème siècle) tentait de l’expliquer[25]. Et puis l’on perd sa trace. Je la « soupçonne » pour ma part d’étudier entre les deux mondes ou au jardin d’Eden avec un autre personnage biblique que le baiser de la mort ne toucha pas non plus, le prophète Elie, avant que ce dernier ne vienne résoudre touts les problèmes insolubles du Talmud aux temps messianique[26]. Mais ca, c’est une autre histoire. Vraiment ?

Notes:

[1] Voir Exode 6 ; 2-8. Pour la transcription des noms de Dieu, nous userons deYoudkévavké pour nous Yahvé et d’Elokim pour Elohim.

[2] Respectivement Ex. 3 ; 1 et 4 ; 1.

[3] Ex. 3 ; 16.

[4] Ex. 3 ; 15 et 17.

[5] Voir par exemple, Genèse 21 ; 12 et le traité Nidda 45b du Talmud de Babylone (T.B).

[6] Traité Sota 12 a du T.B sur Ex. 2 ; 1

[7] Voir Ex.15 ; 20 et traité Meguila 14a du T.B.

[8] Voir respectivement  Ex. 2 ; 6 et 4 ; 26 et le traité Nedarim 31 b du T.B.

[9] Pour tout ce passage, nous nous référons au Sefer ayachar Vayeshev 80a, 90b et 109b. Au sujet de Serah voir également Gen. 46 ; 17 et Chroniques I 7 ; 30.

[10] Gen. 45 ; 26.

[11] Voir Rachi sur Nombres 26 ; 46.

[12] Voir Avoth de Rabbi Nathan B chap. 38.

[13] Voir Gen. 50 ; 24 et le midrach Exode Rabba 5 ; 13 et 14.

[14] Ex. 5 ; 29 et 30.

[15] Gen. 50 ; 24 et 25, les paroles de Joseph qui réitèrent celles de Jacob à ce sujet.

[16] Ex. 3 ; 16. Sur la différence entre zakhor se souvenir et pakod voir Elie Munk dans  Kol Athora sur Exode 3 ;16 qui rapporte le commentaire de R. Shmuel Eidels (1555-1631) dit le Maharsha sur le traité Rosh Hashana 32b du T.B. Ce sont des termes synonymes mais pekida comporte l’idée d’un souvenir qui doit se matérialiser par un acte à une époque déterminée alors que zekhirase rapporte à un souvenir qui demeure présent à l’esprit en permanence. », Ed. Colbo, p 46.

[17] Ex. 4 ; 31. Tout se passage est extrait des Pirké (chapitres) de Rabbi Eliezerchap. 48, dans une traduction dont je me suis inspirée de Marc-Alain Ouaknin et Eric Smilevitch, Ed. Verdier, Paris1983. Voir aussi à ce sujet le midrach Exode Rabba 5 ; 13.

[18] Voir Rachi sur Ex. 3 ; 18.

[19] Ex. 6 ; 9.

[20] Voir respectivement Ex. 32 ; 2 et Pirké de Rabbi Eliezer chap. 45 à ce sujet, et Rachi sur Nbr. 26 ; 64 et Ex. 35 ; 26.

[21] Voir Deutéronome 31 ; 18 et traité H’oulin 139b du T.B.

[22] Voir traité Sanhedrin 44a du T.B.

[23] Dans Difficile liberté. Essai sur le judaïsme, Albin Michel, Paris 1963 et à la suite du texte de Zvi Kolitz, Yossel Rakover s’adresse à Dieu, Calmann-Lévy et Maren Sell, Paris, 1998.

[24] Elle montrera notamment à Moïse où se trouvaient les ossements de Joseph de sorte qu’il put accomplir la promesse de l’enterrer en terre d’Israël (voir Ex. 13 ; 19 et le traité Sota 13a du T.B).

[25] Voir Psikta de Rav Kahan, parachat Bechalah’.

[26] Voir Rois 2- 2 ;11, et traité Edouyot 8 ; 7 du T.B

 

Pour mes autres commentaires sur d'autres passages de la Torah, vous pouvez les voir en conférence sur le site de Akadem, en cliquant ici.

Sonia Sarah Lipsyc. 

6 février 2016

"La sexualité dans les trois traditions monothéistes"

28(Les participants au segment "Paroles divines" : de gauche  à droit Sébastien Doane, Sonia Sarah Lipsyc et Michael Nafi Crédit photo : Radio-Canada/Olivier Paradis-Lemieux)

 

Ce jeudi 28 janvier 2016, 4ème séquence mensuelle "Paroles divines" à laquelle j'ai le plaisir pour le judaisme de participer, avec Sebastien Doane pour le christianisme et Michael Nafi pour l'islam dans l'émission "Plus on est de fous, plus on lit" de Marie-Louise Arsenault sur Radio Canada (1) 

Amour, sexe et religion....On aborde la relation de couple, la notion de plaisir, l'érotisme du Cantique des Cantiques, l'homosexualité masculine et féminine et bien d'autres aspects.

J'évoque aussi la figure de Bertha Pappenheim (1839-1936), la féministe juive qui lutta contre la prostitution ou la traite des jeunes femmes juives et celle de la dramaturge Charlotte Delbo (1913-1985) au sujet du fait de  retourner aux textes classiques, qui comme dans le théâtre ou la Bible, sont en quête permanente d'interprétations.

Le fil audio de cette émission d'une demie heure est dans le lien ICI

16 janvier 2016

Les femmes aussi peuvent être directrices administratives des tribunaux rabbiniques en Israël

De l’usage de la loi civile pour lutter contre les discriminations religieuses à l’encontre des femmes juives

De plus en plus, en Israël mais pas seulement, les femmes, lasses de subir des discriminations au nom de la tradition juive, se tournent vers les tribunaux civils et la loi civile pour faire valoir leurs droits. Cette démarche est d’autant plus efficace lorsqu’elles assignent des institutions étatiques qui plus est, dépendantes des deniers publics.

Celle qui a ouvert la voie dans ce sens fut Leah Shakdiel, une femme orthodoxe qui fut admise à siéger au sein du conseil municipal religieux de la cité de Yeruham (Neguev).

Les fonctions de ce conseil consistent à s’occuper notamment de tout ce qui a trait à l’éducation juive, les bains rituels ou la cacherout dans une ville. Mais son admission acceptée dans cette cité à majorité sépharade fut contestée et refusée par le rabbinat israélien.

Elle se tourna alors, soutenue par la municipalité de Yeruham et représentée par l’Association des Droits Civiques en Israël, vers la Cour Suprême. En 1988, celle-ci, statua qu’il n’y avait aucun obstacle, à ce que Leah Shakdiel ou toute autre femme siège dans un conseil municipal religieux [1].

En 2007, cinq femmes de sensibilité juive religieuse différente (orthodoxe et autres) déposèrent avec l’appui de l’IRAC (Israel Religious Action Center) et de son avocate Orly Erez-Likhovski, un recours auprès de la Cour Suprême d’Israël contre les bus publics dans lesquels la séparation des sexes était imposée.

La compagnie Egged avait accepté et instauré la séparation entre hommes (à l’avant) et femmes (à l’arrière) sur certaines lignes publiques. Non seulement, les femmes (et les hommes) subissaient cette discrimination mais de surcroit celles qui ne s’y soumettaient pas étaient victimes parfois de violences verbales ou physiques.

En 2011, la Cour Suprême rendit un arrêt ambigu déclarant que « cette pratique était contraire à la loi mais qu’elle pourrait être maintenue si elle était acceptée de leur plein gré par les passagers ». Cette décision était assortie notamment de demande d’insertion de panneaux explicites dans les bus sur lesquels il devait être spécifié que « le harcèlement d’un(e) passager(e) au sujet de la séparation des sexes constituerait une infraction pénale ». Il était également demandé que « le Ministère des Transports donne des instructions nécessaires aux chauffeurs afin d’être sûr que ces consignes soient respectées ».

Enfin, des centres de plaintes pour les femmes qui estimeraient avoir été lésées devaient être mis en place. Ainsi les femmes furent mieux à même de pouvoir être défendues et se défendre dans le cas de discrimination sexuelle dans les bus en Israël [2].

Et voici un dernier exemple tout à fait instructif.

 

Pouvoir se porter candidate au poste administratif de directeur des tribunaux rabbiniques

Batya Kahana-Dror(Batya Kahana-Dror devant une affiche de l'association Mavoi Satum)

En août 2014, le directeur des tribunaux rabbiniques, un fonctionnaire travaillant pour des institutions sous l’égide de l’Etat d’Israël, prit sa retraite.

Batya Kahana-Dror avocate et directrice de l’organisation israélienne Mavoi Satum déposa sa candidature pour ce poste. Mavoi Satum (littéralement « Impasse ») est une association qui, sur plusieurs plans, (juridique, social, psychologique), aide les femmes à obtenir leur divorce religieux (guet).

En effet, le directeur du réseau des tribunaux rabbiniques est un poste stratégique car « il exerce une influence notable au sein du système, est responsable de la mise en œuvre des règlements propres aux tribunaux rabbiniques et est garant du bon fonctionnement des procédures juridiques des tribunaux » [3].

Or, en Israël, tout ce qui est de l’ordre du statut personnel, de la naissance à la mort en passant par le mariage et le divorce, est du ressort de la compétence des tribunaux rabbiniques orthodoxes. Et l’on sait les difficultés auxquelles se heurtent parfois les femmes pour obtenir leur divorce religieux. Il est donc important, si on veut faire avancer les droits des femmes, de faire partie de ce réseau des tribunaux rabbiniques « qui ont une grande influence dans la vie religieuse juive en Israël et à l’étranger ».

Mais sa candidature a été rejetée car « elle ne remplissait pas les critères pour l’emploi qu’exigeait cette institution (à savoir) : servir comme juge à la cour rabbinique ou être rabbin municipal ».

Evidemment, Batya Kahana-Dror ne pouvait répondre à ces critères puisque cette même institution n’autorise pas les femmes à être juge à la cour rabbinique ou rabbin (municipal ou autre) !

Le rabbinat avait usé de cette même stratégie, il y a des années, en arguant qu’une femme ne pouvait être «avouée rabbinique » (toénet rabbanit) auprès des tribunaux rabbiniques que si elle était passée par une yeshiva (académie talmudique) alors même qu’aucune yeshiva ne leur était ouverte !

A la suite de plusieurs batailles juridiques, durant des années, les femmes obtinrent gain de cause, contre le rabbinat, auprès de la Cour Suprême en 1994. Et le rabbinat dut accepter la formation de haut niveau que les femmes suivirent dans une institution qui leur ouvrit les portes. Il ne s’agissait pas d’une yeshiva mais d’un institut d’études juives supérieures, la Midreshet Lindenbaum. Leur cursus fut reconnu et elles purent obtenir une licence afin d’exercer leur métier et d’aider les femmes auprès des tribunaux rabbiniques [4].

Suite à cette nouvelle décision discriminative, des associations de femmes, Na’amat, de tendance juive traditionaliste, la WIZO et Mavoi Satum ont décidé, elles aussi de se tourner vers la Cour Suprême d’Israël ou la Haute Cour de Justice.

La Haute Cour de justice a finalement décidé :

  • « Qu’il n’y avait aucune raison qu’une femme ne puisse servir en tant que directrice du réseau des tribunaux rabbiniques.
  • Que les critères de qualification avancés n’étaient pas idoines »

La Haute Cour de justice a ainsi « donné 30 jours à l’Etat pour définir de nouveaux critères pour ce poste ».

De plus, la Cour Suprême a statué, « qu’une fois les critères établis, elle assignera l’Etat à nommer son/sa directeur/trice dans un délai donné ».

C’est un pas important, car comme le relève Batya Kehana-Dror, « bien qu’il soit peu probable que ce réseau choisira une femme comme directeur du réseau des tribunaux rabbiniques, il sera désormais impossible de rejeter automatiquement des candidatures de femmes car les critères précédents qui les excluaient ont été invalidés ».

D’ailleurs la Cour Suprême a également recommandé que ce réseau des tribunaux rabbiniques « commence à intégrer d’autres femmes dans d’autres postes de direction afin de s’habituer à ce nouvel état de fait ».

Les associations de femmes se sont félicitées de cette décision de la Cour Suprême en soulignant que « c’est une étape importante dans l’intégration des femmes au sein du système des tribunaux rabbiniques (…) Kehana-Dror a décrit cette décision comme révolutionnaire : « (…) après de nombreuses années de discrimination empêchant les femmes d’occuper des rôles administratifs au sein des tribunaux rabbiniques responsables du sort des femmes qui se tournent vers eux, la Haute Cour de justice a jugé que les femmes sont de valeur égale. La décision est un message adressé aux femmes qu’elles peuvent et doivent lutter pour leurs droits et ne pas capituler devant les discriminations ».

Nous le croyons.

Sonia Sarah Lipsyc

La première version de cet article est parue sous forme de post sur le groupe Facebook Judaïsme et Féminisme sous #delusagedelaloicivilepourluttercontrelesdiscriminationsreligieusescontrelesfemmesjuives

Ce groupe Judaïsme et Féminisme, de plus de 1300 membres, interroge l’évolution du statut des femmes au sein du judaïsme notamment orthodoxe et francophone.

[1] Voir Leah Shakdiel, « Mon combat pour être la première femme éligible au sein d’un conseil municipal religieux » dans Quand les femmes lisent la Bible, sous la direction de Janine Elkouby et Sonia Sarah Lipsyc, Pardes, Ed. In Press, Paris, 2007.

[2] Toutes les citations de ce passage sont tirées de Sonia Sarah Lipsyc, « Existe-t-il une ségrégation sexuelle dans les autobus en Israël ? (I) », dans Judaïsmes et Questions de société 21.03.2011.

[3] Toutes les citations de ce passage sont extraites de Jeremy Saron, «Mavoi Satum director : HCJ finally ruled that women are of equal value» Jerusalem Post, 08..01.16.

[4] Voir Liliane Vana, « L’Absence des femmes des fonctions religieuses : un réexamen de la loi juive (halakhhah) dans Femmes et Judaïsmes aujourd’hui, sous la direction de Sonia Sarah Lipsyc, édition In Press, Paris, 2008 pp. 114-115.

Cet article est initialement paru le 12.01.2016  sur mon nouveau blog sur TimesofIsraël.

31 décembre 2015

Droits des femmes, Divorce juif, étude du Talmud et différents courants du judaisme

Il arrive en musardant sur la toile de (re)trouver des articles - celui ci paru dans Le Devoir, date de presque six ans mais ce que Norma Joseph, pionnière du féminisme juif religieux et moi-même exprimont reste toujours d'actualité. Aussi, en cette veille de 2016, je le mets en ligne.

Femmes et judaïsme - Des femmes veulent changer la loi juive concernant le divorce

24 avril 2010 |Claire Harvey | 
Quel est le rôle de la femme dans le judaïsme? Comment ses droits ont-ils évolué? Deux expertes font le point. 

Selon Norma Joseph, professeure associée au Département des religions de l'Université Concordia, le statut des femmes dans le judaïsme est à l'image du milieu dans lequel elles vivent. «Il y a des Juifs dans les sociétés musulmanes, catholiques, etc. S'ils ont leurs propres pratiques religieuses, les Juifs ont une très grande capacité d'adaptation.» Ainsi, alors que les Juives étaient traditionnellement tenues à l'écart des études religieuses, bon nombre d'entre elles peuvent aujourd'hui étudier les textes sacrés dans les sociétés où tous et toutes peuvent fréquenter des établissements scolaires publics. 

La féministe précise que le XXe siècle a été une période extraordinaire pour les Juives en Amérique du Nord. «En ayant accès à la connaissance des textes judaïques, les femmes ont commencé à poser d'excellentes questions sur leur statut, ce qui a fait changer les choses de l'intérieur. Ainsi, de plus en plus de Juives participent à la pratique des rituels religieux, même si elles ont encore du mal à accéder à la direction des instances. Par exemple, les femmes rabbins sont encore souvent confinées à la tête de petites congrégations.» 

Une communauté plurielle

Même son de cloche de la part de la sociologue Sonia Sarah Lipsyc, qui mentionne que la communauté juive n'est pas monolithique. «Il existe quatre grands courants du judaïsme: orthodoxe, conservateur, réformiste ou libéral, reconstructionniste, dit-elle. Les droits des femmes évolueront en fonction du courant auquel elles appartiennent. Par exemple, dans les synagogues ultraorthodoxes, les femmes et les hommes vont être séparés, les hommes étant devant et les femmes généralement derrière ou à l'étage. Ce qui n'est pas le cas dans les synagogues réformistes, reconstructionnistes ainsi que dans certaines synagogues conservatrices où les femmes ont accès de plain-pied à la sphère rituelle.»

D'ailleurs, au sein même du judaïsme orthodoxe, il existe plusieurs courants: ultraorthodoxe, orthodoxe moderne et traditionaliste, poursuit Mme Lipsyc, également directrice d'ALEPH, Centre d'études juives contemporaines à Montréal. «Parfois, ce qui se passe dans le monde orthodoxe moderne serait impensable dans le monde ultraorthodoxe, dit-elle. Récemment, le rabbin orthodoxe moderne new-yorkais Avi Weiss a ordonné rabbin Sarah Hurwitz. C'est la première femme à avoir été nommée rabbin officiellement à la tête d'une instance en Amérique du Nord. Le rabbin Weiss a essuyé les foudres du monde orthodoxe traditionnel.»

Ainsi, dans certains cas, les inégalités ont été abolies; ailleurs, elles persistent. «Chez les Juifs réformistes, conservateurs et reconstructionnistes, bon nombre de femmes sont rabbins. Chez les Juifs orthodoxes, on en compte seulement quelques-unes et elles exercent la fonction de guide spirituel, se rapprochant de celle des rabbins», note Mme Joseph. D'après elle, ce n'est toutefois qu'une question de temps avant que le mouvement orthodoxe n'accepte l'ordination des femmes. «Le rabbinat repose sur l'érudition. Comme la Juive orthodoxe d'aujourd'hui veut étudier les textes sacrés, la situation évoluera. Le processus est en cours en Israël comme aux États-Unis.»

Des êtres égaux ?

Mme Joseph constate qu'il reste encore des luttes importantes à mener pour atteindre une véritable égalité. «Au Québec, les femmes gagnent un revenu moins élevé que les hommes; elles sont minoritaires au Parlement, fait-elle observer. Les problèmes observés dans la société séculaire existent aussi dans les communautés religieuses. Pourtant, dans la Bible, il est écrit que les hommes et les femmes sont égaux. Ils ont tous deux été créés à l'image de Dieu. Malheureusement, cela ne veut pas dire que les hommes vont traiter les femmes en tant qu'égales. Certains le font, d'autres, non.» 

Mme Lipsyc note, pour sa part, que certaines femmes dans les communautés juives orthodoxes ont encore du mal à étudier certains textes sacrés. «Il faut que les femmes aient un accès total à toutes les sources de la tradition juive, y compris l'étude du Talmud (NDLR: recueil de droit civil et religieux juif). C'est le cas à Hebrew Academy, un lycée qui accueille les élèves appartenant au courant orthodoxe moderne, ainsi qu'au centre pour les adultes 

ALEPH, mais pas encore partout. Dans certains endroits, les femmes doivent se battre pour avoir accès à l'étude talmudique.»

Le divorce

De nombreuses femmes mènent également des combats importants en vue de faire changer la loi juive concernant le divorce. Selon la loi juive, la demande de dissolution du mariage revient au mari. Les femmes divorcées civilement ne peuvent pas se remarier religieusement tant que leur ancien époux ne leur a pas donné le guet, un acte écrit dans lequel l'homme divorce de sa femme. En l'absence de guet, les époux divorcés civilement sont toujours considérés comme mariés selon la tradition juive, même s'ils ne vivent plus ensemble. Dans ce cas, la femme ne pourra pas se remarier religieusement. Qui plus est, si elle demeure avec un autre homme, elle pourra être accusée d'adultère et les enfants nés de cette union seront considérés comme des bâtards. Afin de remédier à cette situation, bon nombre d'époux signent une entente prénuptiale établissant que l'épouse pourra obtenir le guet si les circonstances l'exigent. 

En raison de l'importance que revêt le guet pour la femme, certains hommes l'utilisent pour faire du chantage. «Je te donne le guet à condition que tu me laisses la maison, le commerce et le compte bancaire», illustre Mme Joseph, également membre fondatrice de la Canadian Coalition of Jewish for the Get. En 1990, la Cour suprême du Canada a condamné un individu de religion juive à payer des dommages et intérêts à son ex-épouse pour avoir refusé de respecter son engagement civil d'accorder un divorce juif. «Le juge ne peut pas forcer l'homme à accorder le divorce religieux, dit-elle. Mais il peut faire pression sur l'ex-époux et rendre l'obtention du divorce civil beaucoup plus difficile.» 

Actuellement, la loi juive ne peut toujours pas obliger un mari à donner le guet. «Certains rabbins ont examiné la possibilité de modifier la loi, mais ce n'est pas encore fait. Pourquoi? Peut-être parce que c'est un problème propre aux femmes et peut-être aussi parce qu'on ne veut pas en faire un gros problème. Le divorce est quelque chose de triste, c'est un échec. Il est préférable de l'envisager sous un angle individuel plutôt que sous un angle national», conclut Mme Joseph. 

*** Collaboratrice du Devoir
21 décembre 2015

"Réponses judaïques à la modernité"

Lipsyc

J'ai le plaisir de vous annoncer que je donnerai le semestre prochain un cours à l'Université de Montréal (UDM) : "Réponses judaiques à la modernité" (PLU6064) dans le cadre du "microprogramme en études juives" dirigé par Robert Schwartzlwad.

Ce cours donne droit à 3 crédits pour tout étudiant.
C'est un cours ouvert aux étudiants libres et des autres universités.
Chaque mercredi de 16h à 19h, du 6 janvier au 13 avril 2016.

Le cours traitera des questions de société au regard du judaïsme contemporain telles que l'écologie, la bioéthique, le pluralisme religieux, les conversions, la condition des femmes, le statut des minorités sexuelles, l'éducation, la justice sociale, la laicité, le dialogue inter religieux et le vivre ensemble, etc..

Informations : robert.schwartzwald@umontreal. 

Inscription :http://fas.umontreal.ca/etudes-juives/

Vous pouvez aussi m'envoyer un message pour plus d'informations en usant de la rubrique, "Contactez l'auteur" que vous trouverez sur le menu de droite.

Sonia Sarah Lipsyc

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Judaïsmes et Questions de Société
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